A propos du prix Goncourt







 2024 remporté par Kamel Daoud pour Houris.

 Point de vue.

 

 Je n’ai pas encore lu le dernier roman de Kamel D...
Abdelmajid BAROUDI

2024 remporté par Kamel Daoud pour Houris.

Point de vue.

Je n’ai pas encore lu le dernier roman de Kamel Daoud. Les commentaires que je lis ici et là sur Houris me semblent insuffisants pour me faire une idée précise de cet écrit. Cela dit, tous ces commentaires s’accordent sur le fait que le roman récompensé traite des événements qu’a connu l’Algérie allant de 1991 à 2002. Une période caractérisée par la violence dont les islamistes et les politiques algériens étaient responsables.

J’ai lu les deux romans que Kamel Daoud a écrits, Meursault, contre-enquête   et Zabor. A vrai dire, j’ai trouvé ces deux textes bien écrits, surtout Zabor. J’ai même produit une lecture de ce deuxième roman que j’ai publiée dans le magazine canadien Tolerance.ca. Mais ce qui a attiré mon attention dans tous ces commentaires que j’ai lus et les débats que j’ai suivi sur les chaînes de télévisions françaises, c’est que des journalistes avancent l’idée selon laquelle on n’a plus le droit de dire que l’on a rien appris de cette sombre période que l’Algérie a traversée. Comme si on ignorait tout de ces années durant lesquelles les islamistes qui prônent la violence étaient derrière les assassinats d’intellectuels, de chanteurs et toutes idées qui éclairent les esprits.  Ma question est la suivante : Est-ce qu'on a attendu Houris pour savoir ce qui s’est passé en Algérie durant cette période-là ? Autrement dit : Est-ce qu’on a décerné le prix Goncourt à Kamel Daoud pour le sujet qu’il traite, c’est-à-dire sa valeur historique ou bien littéraire ?  Si c’est grâce à son sujet que le jury l’a récompensé, la réponse est que pas mal d’historienEs ont déjà analysé les dessous politiques de cette violence qui était le seul langage des islamistes radicaux. Et donc Houris n’a rien apporté de nouveau à ce sujet d’ordre historique.

L’histoire condamne l’oubli.

Personne ne peut contester les atrocités de ces islamistes radicaux ni les crimes qu’ils ont commis contre la liberté et la créativité. En revanche, on ne doit pas oublier que le jeu démocratique fut biaisé au moment où les islamistes qui ont accepté ce jeu, ont remporté les élections. Toutefois, le régime sur place n’a pas accepté ces résultats et a brouillé toutes les cartes au su et au vu de l’occident « démocratique ». Ce qui s’est passé après en Egypte nous renvoie à cette anomalie démocratique en Algérie.

Dans un entretien accordé à la journaliste Léa Salamé, Kamel Daoud a refusé qu’il soit nommé Arabe. Il a insisté que son identité se résume en deux composantes, l’une française et l’autre algérienne. C’est son droit. Ce qui m’a interpelé, c’est son silence par rapport aux atrocités commises par la colonisation française. Si les islamistes radicaux étaient derrière les actes barbares commis contre la liberté et la créativité, la colonisation française était directement responsable des massacres que ses forces ont perpétrés durant plus d’un siècle en Algérie. C’est là où le bât blesse. La psychanalyste Karima Lazali, dans son ouvrage Le trauma colonial, avait raison de capitaliser sur l’histoire pour illustrer ce trauma colonial. La colonialité selon elle a non seulement déformé le nom, mais aussi elle a mutilé le corps.

Oui Kamel, la France est un pays de liberté que vous voulez prendre si les français n’en veulent pas. (Voir son entretien avec Léa Salamé) Mais cette France a malheureusement fait ce travail d’effacement des langues et de l’histoire qui est un trait spécifique de la colonialité pour paraphraser Karima Lazali. C’est dans cette optique déconstructive que la littérature doit s’engager afin d’élucider l’impossibilité de l’oubli. Il est donc impossible d’oublier que la chair était déchiquetée et par la colonisation française et par l’extrémisme islamique.

Si on aime la France, il faut lui rappeler sa vérité historique.

Par ailleurs, je tiens à dire ma condamnation de la censure   de ce roman.

​           Abdelmajid BAROUDI