Lire EFFACER





> Il est sept heures, le hameau est déjà reveillé.Les chants d’animaux convergent vers l’horizon. Et moi, je suis à ...
Abdelmajid BAROUDI

Il est sept heures, le hameau est déjà reveillé.Les chants d’animaux convergent vers l’horizon. Et moi, je suis à cheval entre la réflexion et l’imagination, l’analyse et le récit. Je fais une pause, me repose en passant de l’écriture à la lecture pour reprendre  ce que je suis en train de piocher dans autre récit. J’alterne, quoi !

Le chapitre 1 du texte EFFACER de Loubna Serraj qui comporte cent trois pages , lequel chapitre écrit blanc sur noir, tout comme les deux autres chapitres, me parle. Qu’est ce qu’il me dit ?

Ce chapitre me renseigne  sur un contexte dans lequel je me retrouve. Celui d’une narratrice qui me renvoie à la situation problème selon laquelle le fait d’enseigner n’est pas seulement une affaire  de transmission de savoir. C’est plutôt l’art  de démêler le compliqué du complexe. D’autant plus que ce texte nous invite à revoir en permanence notre méthodologie de travail en vue d’enraciner le sens de questionnement chez l’apprenant à l’image de ce qu’a fait Socrate avec ses  interlocuteurs . Si ce dernier a posé la question : qu’est- ce que la vertu ?, Lamiss a opté pour la question relative au courage. Objectivement parlons, l’école rime avec la liberté, si non, il est impossible d’embrasser les lumières. L’école  qui prône l’uniformité, sous prétexte que la morale doit être preservée,est une école qui anéantit l’esprit critique et étrangle la différence et la différance.

Effacer, c’est éterniser l’écriture. Effacer, c’est apprendre par le biais de la lecture qu’on a encore rien appris et que l’écriture comble le vide de la doxa qui ne cesse de s’accentuer.

La narratrice m’a tuer à la Omar Erradad. On a beau essayer symboliquement de tuer l’autrice, son entêtement  à imposer son style nous oblige à céder.  Bonjour mon toi transgresse en quelque sorte l’équation de l’altérité . Moi, c’est toi et toi c’est moi. Dans EFFACER, l’adjective possessif mon témoigne de la rébellion  de la marge  que la norme voudrait, coûte  que coûte, réduire au silence. Mon toi célèbre le mariage de la missive avec le  texte.

Endurer, c’est ce qui fait le charme de la lecture. Si tout est accessible, tu ne vas pas sentir la différence, voire la créativité. Souffre, me dis- je.

Dans  EFFACER, ,la torture est double. Celle du personnage et  du lecteurE.Mais ce n’est pas n'importe quelle torture. Celle-là nous apprend à découvrir la complexité de la vie  et assister à la souffrance d’autrui en se disant : j’ai de la chance de ne pas me retrouver dans  la même situation que Nidhalé.Du coup, la double torture que nous subissons Nidhalé et  moi est d’ordre psychologique.

Je m’arrache à la normalité et plonge dans un univers que je ne souhaite pas vivre dans la réalité, moi qui n’ai jamais consulté un psychanalyste. D’autant plus que la complexité du personnage m’empêche de spéculer sur son destin. Ce qui m’intéresse le plus, c’est que le récit est consolidé par l’analyse. Autrement, l’auteure capitalise sur le savoir, en l’occurrence  le rôle de la psychanalyse  et la psychologie dans le développement personnel. Et ce, pour bien agencer non seulement l’assimilation du texte, mais aussi bien  saisir les dessous des difficultés  qui caractérisent la personnalité du personnage clef de EFFACER .Il m’est difficile de comprendre s’il s’agit de Lamiss ou de Nidhalé. Faut-il les identifier ou les distinguer ? Dés lors, la question de l’appropriation du texte se pose.Je continue à lire, en ayant en tête qu’il s’agit  du parcours de Lamiss  que je suis en train de suivre, quand  soudain une voix que je n’ai symboliquement  pas tuée me chuchote à l’oreille  me disant : non, c’est de Nidhalé qu’il s’agit. Ma marge d’interprétation est si étroite qu’il m’est impossible de dépasser le premier degré de lecture, comprendre. Saisis d’abord le texte, après on verra, me dis-je. Beaucoup d’explications  m’ont été fournies par la narratrice  sur la personnalité du personnage. À moi d’en tirer les conclusions . Et pourtant, j’ai opté pour l’endurance car je ne  me contente pas du prêt à porter. Je voudrais toujours souffrir avec ce genre de textes. Loubna Serraj y marque sa différance  au sens Derridien.

Arrive la synthèse de ton moi. C’est à nous lecteurEs de déduire ce que l’on peut tirer  de cette anormalité tant décriée par le gardien du temple. Mais quel temple ? Ce lui qui voudrait nous arracher à notre identité. Nous sommes ce que nous sommes, nous  aimons,l’une l’autre. Qui vous a autorisé de parler d’Amour à notre place ?    Notre Amour est l’Humain, avec tout ce que comporte l’universalité de ce mot.

Deux parcours qui se croisent au milieu d’un contraste incapable de déchiffrer ses ambivalences. Nous vivons dans une société dont la modernité n’est que modernisation et un mode de vie et non pas une pensée qui prône la liberté individuelle et collective.

En réalité, Lamiss et Nédhalie  sont le reflet d’un débat que les acteurs soit- disant  éclairés omettent ou n’osent pas ouvrir. Au-delàs du Droit d’aimer , EFFACER nous propose la démarche d’écoute susceptible de traquer les méfaits  du contraste et imposer le Sujet entant que différence. Être à l’écoute, soulage  le Sujet  du fardeau de la normalité.

Mon corps est ma liberté. On est tous les deux complices.Je l’emmène et m’emmène  là où réside notre ETANT.

A vrai dire, une nouvelle vague d’écrivaines, marocaines, algériennes, tunisiennes et d’autres franco- maghrébines, émerge  et impose sa signature. Toutes  ces  écrivaines  m’ont intéressé. Un nouveau style d’écriture insulte notre passivité  par rapports aux sujets de société qui fâchent.

Je vous recommande EFFACER, c’est  un beau roman en vente au Maroc et en France.

Abdelmajid BAROUDI.