L’inconnu de Vienne de Monique Bernard


L’histoire d’une vie tissée par une fileuse

Le récit de vie d’un inconnu est ce que Monique Bernard raconte dans son l...
Rachid Fettah
rachid fettah

L’histoire d’une vie tissée par une fileuse

Le récit de vie d’un inconnu est ce que Monique Bernard raconte dans son livre. Une biographie publiée aux Editions les paraiges en 2018. Son titre laisse entendre le grand effort que ce travail a dû exiger de l’écrivaine. A savoir tenter de ressusciter la vie d’un personnage hors du commun. Dans son ouvrage, son ultime dessein est d’éclairer les zones d’ombre dans la vie de ce personnage mystérieux. Au fil de l’écriture, le lecteur sera amené à suivre l’écoulement de la narration selon un débit variable et bien adapté. L’inconnu, en question, est tellement séduisant que le lecteur n’arrive pas à résister devant l’aura de sa personnalité. Tout au long du récit, l’autrice ne cesse de scruter ses moindres traces. Au fur et à mesure que les découvertes se succèdent, la narration devient une vraie chasse à l’homme. De chapitre en chapitre, cette ruée vers l’inconnu semble devenir une tentative pour capter une lumière fugitive. Après moult tentatives, sans trop révéler sur la vie de l’inconnu, l’écrivaine continue sa quête, sans jamais songer lâcher prise. Au seuil du vaste univers de l’inconnu, avant d’entrer dans le vif de sa vie, M. Bernard précise : « Il (l’inconnu) était le descendant d’une noble famille (…) dont les fils auraient été dispersés à travers l’Europe à la suite de la révolution française ». Cette indication biographique, quoique minime, dit long sur le parcours de ce personnage. Ce qui laisse entendre que dans la suite de l’histoire de cet inconnu, le lecteur sera invité à découvrir un parcours tumultueux et parsemé de surprises. Aussi, pour mettre le lecteur sur la bonne voie narrative, l’autrice rappelle : « L’histoire de la vie de l’inconnu de Vienne n’est pas le produit de mon imagination ». Ce qui veut dire que ce récit est bel et bien une histoire vraie, puisqu’elle ajoute : « Celui qui est encore pour nous un inconnu sera révélé au public (…) en 1881, lorsque ses amis lui rendront un ultime hommage en publiant un an après sa mort ses lettres ». Toutefois, pour tenter de cerner les contours de toute une vie, celle de l’inconnu, ces quelques éléments biographiques s’avèrent insuffisants. C’est pourquoi, l’écrivaine, toujours habitée par l’ancienne étudiante, va ouvrir une enquête littéraire. Pour ce faire, au fil de la narration, deux voix vont s’imbriquer. En arrière plan, celle de la chercheuse qui mène l’enquête. En avant plan, celle de la romancière qui essaie de laisser des empreintes romanesques sans le récit. Ainsi, de fil à aiguille, la narration s’intensifie pour devenir débordante. Dans le flux narratif, travail minutieux, l’inconnu quoique personnage insaisissable, laisse se dessiner les traits de son portrait. Selon les situations et les incidents, il ne cesse d’incarner une figure fuyante qui apparait et disparait. Pour retrouver ses traces, l’ancienne chercheuse doit suivre son parcours depuis la France jusqu’en Russie, en passant par l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche et par bien d’autres pays.

Vu le poids des circonstances sur sa vie, il se trouve toujours contraint de voyager. Tout le temps, il n’arrive à un pays que pour le quitter vers un autre. Perpétuel voyageur, il traverse beaucoup d’époques et de nombreuses contrées. Cette traversée lui permet d’assister aux hauts faits qui marquent l’histoire de l’Europe. Faits qu’il vit soit en tant qu’acteur soit en tant que témoin. Après des fouilles interminables, l’illustre inconnu se révèle, fruit du hasard, dans des lettres trouvées en Russie. Là où il a dû séjourner. Précisément, dans ce qui reste d’une correspondance entre son père et son oncle. Ainsi, le fameux inconnu n’est plus un inconnu puisqu’il porte comme nom Alexandre Von Villers. Ce dernier se révèle par « sa véritable fascination pour la culture germanique, sa philosophie, sa littérature et par les arcanes de son esprit scientifiques ». Dans l’une de ses lettres, il écrit : « La peinture est un art, la poésie aussi, et même la musique ! Mais le plus grand art, c’est de vivre ». Justement, c’est ce grand art de vivre qui a incité l’écrivaine M ; Bernard à lui consacrer tout un ouvrage. Une œuvre où l’acte d’écrire s’avère bel et bien un autre art. A travers ses textes, composés avec beaucoup de discernement minutieux, l’écriture laisse souligner la profondeur des réflexions doublée d’un style net et transparent. La langue y est pur et limpide. Le tout constitue un ouvrage tissé avec ampleur et habileté par une fileuse. Celle qui, à la manière d’un alchimiste, arrive à pétrir les mots et modeler les réflexions. Ses récits, ainsi tissés, sont le fruit d’un grand labeur, produit de longs mois de patience et d’application. Bref, un travail approfondi qui se base sur des faits réels, inspiré s’une thèse autour des lettres d’un autre inconnu : Charles Von Villers, qui n’est autre que l’oncle d’Alexandre Von Villers l’ex inconnu.

Ecrit par Rachid Fettah